Comité Central Bonapartiste
Le Comité Central Bonapartiste (CCB) est un mouvement bonapartiste principalement établis en Corse. Il a dirigé l’île jusqu’en 2003, date à laquelle et suite au conflit avec le Prince Charles Napoléon, il a perdu la grande majorité de ses mandats.
Le CCB a marqué l’histoire du bonapartisme par son attachement à l’idéologie bonapartiste et à la fois la dynastie et la république.
Fondation du Comité Central Bonapartiste
Alors que le mouvement bonapartiste périclite en France au début du XX ième siècle, le Comité Napoléonien (fondé le 1er Octobre 1892 par le Comte Alfred Multedo, Conseiller Général de Vico, deux fois invalidé et réélu à l’Assemblée nationale en 1885 et 1889 ) se mue en 1908 en Comité Central Bonapartiste. Parallèlement, est fondé un Comité Bonapartiste ouvrier (qui aura une existence éphémère) et un comité des Jeunesses Plébiscitaires (qui rassemble des jeunes politisés mais pas en droit de voter). Dans ses statuts, le CCB a inscrit la " volonté commune de perpétuer le souvenir et le culte de l'Empereur et de défendre les intérêts d'Ajaccio, ville Impériale, de commémorer les grands évènements de l'histoire napoléonienne"
En face de lui, un ajaccien devenu un ardent républicain Emmanuel Arène (1858- 1908). Devenu le plus jeune député de France en décembre 1881, le gouvernement lui avait donné mission « d’extirper la racine bonapartiste de l’île ». Elu président du Conseil Général en 1888, il va faire preuve d’un certain népotisme et va diriger l’île par un certain clientélisme qui lui vaudra le surnom de « Roi Emmanuel » (il sera impliqué dans le scandale de Panama). Il réduira considérablement les actions du parti Bonapartiste de l’île avant que sa mort ne profite finalement aux Bonapartistes qui retrouveront toute leur vigueur politique. Dans l’entourage d’Emmanuel Arène se trouvait employé comme secrétaire un certain..François Coty.
Le Bonapartisme républicain de l’entre-deux-guerres
Dominique Pugliesi-Conti, qui a été élu maire bonapartiste en 1904, en sera le chef de file (succède au commandant Jean Baptiste Alessandri farouchement anti- républicain, élu en 1896 et fondateur en janvier 1888 du Parti Bonapartiste Ajaccien). Connu pour ses positions contre la séparation de l’état et de l’église (1905), Pugliesi-Conti va transformer le CCB en un parti bonapartiste clérical mais qui va peu à peu se rapprocher de la république et uniquement célébrer la mémoire de Napoléon Ier (Empereur de la République de 1804 à 1815). L’organe du CCB, « Le Drapeau » écrira à cette occasion : " Nous crions " Vive Dieu " avant de jeter notre cri " vive l'Empereur ! " " A Ajaccio, on n’hésite palus à faire cohabiter « Marseillaise » et « Ajaccienne » lors des cérémonies officielles. Dominique Pugliesi-Conti s’offre même le luxe de se faire élire député en 1910 et de nouveau en 1914 (78% des voix) et ce malgré la menace d’une liste adverse plus proche de la dynastie, les « Bonapartistes intransigeants ».
Le mouvement impérialiste n’a plus que très peu de partisans au sein de la mouvance bonapartiste. Les dissensions entre le Prince Jérôme Napoléon et son fils le Prince Victor Napoléon ont affaibli le mouvement d’autant plus que le Prince Victor- Napoléon a décidé de renoncer à toutes activités politiques au début de la première guerre mondiale.
Malgré le succès des bonapartistes aux élections de 1919 (20 élus ou apparentés), Dominique Pugliesi-Conti perd son siège de député. Humilié, il se retire de la vie politique. Le CCB perd alors un charismatique leader et dont les successeurs vont être incapable de conserver la mairie d’Ajaccio qui revient aux républicains. Il faut attendre 1925 pour qu’Ajaccio retourne entre les mains du CCB qui est en partie financé par le célèbre parfumeur François Coty (Maire d’Ajaccio de 1931 à son décès en 1934). En Mai, le CCB obtient 16 Conseillers Municipaux face aux 11 Républicains élus.
Le Bonapartisme et la collaboration
Dominique Paoli est alors le leader du Comité Central Bonapartiste depuis 1923. Il est élu Maire d’Ajaccio en 1931 et ne cache pas son aversion de la République qu’il qualifie de « Régime de honte et de boue » et son admiration pour le Duce Benito Mussolini. D’ailleurs, Dominique Paoli lui enverra quelques délégués afin de prendre contact avec lui sans que le CCB n’y retrouve rien à redire. Il est connu de tous les corses. Conseiller Municipal d’Ajaccio de 1900 à 1914 et 1919 à 1925, il a été Chasseur à Cheval durant la 1ère guerre mondiale et a même participé à la bataille de Verdun. Autant dire que le CCB a hérité d’une forte personnalité. Par un tour de passe- passe électoral, il cède son fauteuil à François Coty en 1931, le principal financier du mouvement bonapartiste.
De venu également membre de la Ligue des Croix de Feu, Dominique Paoli n’hésitera pas à approuver l’invasion de l’Ethiopie par les italiens et le 9 Mai 1936 la salle du Conseil Municipal vibre sous les applaudissements des participants qui n’hésiteront pas à crier « Vive l'Italie ! Vive le Duce ». Mais la fascination de Paoli pour le fascisme à ses limites et il condamnera l’invasion de la France par l’Italie, « véritable coup de poignard » d’autant plus que le Duce ne fait pas mystère de son intention d’annexer l’île. Il déclare le 10 Juin 1940 : « Notre île est et demeure terre française). Le Prince Louis Napoléon a dissous l’Appel au Peuple, le principal mouvement parlementaire bonapartiste, et rejoint la Légion Etrangère. Le CCB a depuis longtemps rompu avec le bonapartisme dynastique et adhère à l’idée d’une République de type autoritaire. Si elle célèbre la mémoire de Napoléon Ier, elle n’a plus guère de contact avec la famille impériale.
La guerre va diviser les bonapartistes autant que le CCB (le 23 Juillet 1940, Eugène Macchini crie : « A bas l’Italie » devant des officiers fascistes attablés à un bar. Il sera arrêté et emprisonné durant 1 mois (puis de nouveau en Mars 1944 avant d’être placé en résidence surveillée et libéré par la résistance dont il incarne l’idée au sein du bonapartisme opposé à la collaboration). Le Bonapartisme de l’entre deux guerres a réduit le nombre de ville aux mains de ces derniers. Même Bastia n’est plus dirigée par un Bonapartiste (Antoine Gaudin fut le dernier maire CCB de Bastia de 1900 à sa mort en 1912). Vichy réorganise son administration et confirme Paoli dans ses fonctions. Le Comité Central Bonapartiste verse dans la collaboration (comme le Commandant Pierre Costantini (1889-1986)) et les bonapartistes occupent tous les postes clefs de l’île quant ce n’est pas quelques royalistes orléanistes, fidèles au Maréchal Pétain.
Quant à ceux qui vont résister, on va les retrouver au sein du Front National, groupe de résistance où se mêlent les différents mouvements politiques de la III ième République. Bonapartistes et communistes cohabitent pour la liberté de la Corse. Unis, ils vont finalement s’emparer d’Ajaccio le 9 Septembre 1943 et arrêté Dominique Paoli (il sera exécuté). La Corse fut d’ailleurs le premier département libéré du régime de Vichy et de l’occupation allemande.
Les Bonapartistes à la Libération
A la libération, c’est un autre Bonapartiste et résistant connu qui va occuper la place de maire de transition d’Ajaccio à la « Maison Carrée » (autre nom de la mairie). La venue du Général de Gaulle et son discours dans la capitale corse se feront devant une foule en délire. A ses côtés, le nouveau maire bonapartiste Eugène Macchini (1896- 1963). C’est le début d’une longue passion entre bonapartistes et gaullistes dont Macchini sera le fondateur du Rassemblement du Peuple Français (RPF) en corse. Pourtant aux élections municipales de 1945, le candidat bonapartiste sera écarté au profit de son concurrent communiste allié aux radicaux avec qui les bonapartistes du CCB feront une alliance de circonstance.
Bref éloignement du pouvoir car en Mai 1947, Nicéphore Stephanopoli de Comnène (décédé en 1963) se fait élire Maire bonapartiste d’Ajaccio. Un homme qui possède un nom impérial ( il est descendant de la famille impériale de Byzance) pour un parti fidèle à la pensée de Napoléon mais qui n’a plus rien d’impérialiste. D’ailleurs le CCB est victime de rivalités internes. Antoine Serafini (1900- 1964), un résistant (Capitaine des Forces Françaises Libres puis adjoint du chef du réseau Action R2 Corse) et un architecte expert en manœuvres politiques, va bientôt s’emparer du leadership du Comité Central Bonapartiste et de la Mairie le 7 Janvier 1949 (en 1947 figurant sur une liste gaulliste du RPF dont il avait élu Conseiller Municipal, il avait déclaré : « être un fidèle du général de Gaulle sans que l'admiration qu'il voue à l'Empereur soit altérée ».
En 1950, Ajaccio accueille avec ferveur le retour du Prince Louis Napoléon alors que la loi d’exil a été abolie. Accueil triomphal, le CCB a tout organisé pour le retour du chef de la Maison Impériale. Hymne national, forces de police mobilisées, c’est une véritable manifestation bonapartiste qui secoue la Corse. Mais si le Prince ne veut plus se mêler de politique nationale, il n’entend pas le faire sur le plan local. Serafini (élu Député en 1951 avec 22 294 voix soit un quart des suffrages. Il sera très actif au parlement par ailleurs, rejettera la CECA et la CED et la confiance au gouvernement de Mendès- France) va donc gérer le Comité Central Bonapartiste et marquer le mouvement de son empreinte. Une alliance avec le RPF provoque une scission au sein du CCB. Cette alliance avec les gaullistes (considéré comme une trahison) poussent des candidats bonapartistes indépendants conduit par le Docteur François Maglioli à s’allier aux communistes et aux radicaux. Une autre alliance qui permet à Maglioli de s’emparer de la mairie d’Ajaccio de 1953 à 1959.
Entre temps, Serafini perdra son siège de député en 1956 (11 048 voix sur 90 160 suffrages exprimés) et deux ans plus tard, celui de Conseiller général. Il a tout juste le temps d’organiser en grandes pompes le 19 Juin 1955 le retour de la dépouille du Prince Victor Napoléon Bonaparte en Corse.
Les Bonapartistes et La Vième République
Si les bonapartistes du CCB se sont ralliés à la république, ils restent attachés à la notion d’Empire Français. Hors, lors des événements d’Alger en Mai 1958, le CCB se rallie dans sa majorité au putsch qui permettra au Général de Gaulle de revenir au pouvoir. En Mars 1959, Serafini peut retrouver confortablement sa position de maire d’Ajaccio et son siège de député en 1962 où il sera élu le 25 Novembre avant que son siège soit invalidé le 5 Février 1963. Une élection anticipée confirmera le premier vote des corses. Il meurt durant son mandat en Février 1964. Le mouvement bonapartiste corse adhère désormais à la ligne politique du Général De Gaulle qui est courtisé également par les royalistes.
En 1969, la Corse va célébrer dans le faste le bicentenaire de la naissance de Napoléon Ier que va présider le Président Georges Pompidou (qui rendra hommage à l’Empereur par un discours sur la place d’Ajaccio avant un imposant défilé militaire et aérien) et le Prince Louis Napoléon. Suivent les municipales de 1971 qui offrent aux bonapartistes plusieurs villes importantes sur l’île. Le Comité Central Bonapartiste est alors à son apogée.
A partir de Septembre 1975 (décès de Pascal Rossini, maire d’Ajaccio auquel sa fille Noëlle lui succèdera au poste de Député), le CCB va commencer à perdre son électorat traditionnel. Le 2 Novembre de la même année, Ajaccio restera bonapartiste mais de justesse avec seulement 42% des voix (Charles Ornano, âgé de 56 ans, élu Maire durant 18 ans sans interruption et Sénateur de la Corse du Sud de 1980 à 1994). Le CCB a compris que son seul nom ne rassemble plus. Lors de l’élection présidentielle de Mai 1981, les Bonapartistes devront faire deux choix : entre l’appel du Prince Louis Napoléon qui donne comme consigne de voter au 1er tour Valery Giscard d’Estaing et Marc Marcangeli de soutenir Jacques Chirac, maire de Paris et ancien Premier ministre. LE CCB soutiendra Jacques Chirac.
Une alliance avec le Rassemblement Pour la République (RPR de Jacques Chirac) et l’Union pour la Démocratie Française (UDF de Giscard d’Estaing) lui permettent de se maintenir lors des municipales de 1983 (Liste bonapartiste d’Union de l’opposition nationale) qui obtiendra 59% des voix et 36 élus (17 bonapartistes contre 19 RPR/UDF). En 1989, Charles Ornano conserve son siège mais toujours sans majorité au sein de l’union bonapartiste. Le CCB se divisera lors de la réforme institutionnelle sur le statut particulier de l’île. Ornano disparaît en Février 1994 et son neveu le Docteur Marc Marcangeli (1939- 2005) lui succède à la tête de la mairie d’Ajaccio.
La chute du Comité Central Bonapartiste
Si le Comité Central Bonapartiste se maintient tant bien que mal sur Ajaccio, au prix d’une alliance avec la mouvance gaulliste, il ne s’attendait pas qu’un descendant de Napoléon Ier se décide à postuler à la Mairie. Le 23 Mai 1995, le quotidien « La Corse » lance dans ses pages un entretien avec le Prince Charles Napoléon Bonaparte. Ce dernier expose clairement ses intentions de briguer la mairie d’Ajaccio et de déclamer dans le journal un début de programme. Le Prince est loin de faire l’unanimité parmi le CCB. Si les bonapartistes se situent à droite de la République (ils soutiendront une nouvelle fois Jacques Chirac lors de la présidentielle de 1995), le Prince est quant à lui de sensibilité centre gauche. Si le père (Prince Louis Napoléon) est farouchement anti- européen, le fils prône la construction de l’Europe unique…
Pour l’heure, le CCB remporte de nouveau les municipales de 1995 et la majorité au sein de l’Union (18 élus bonapartistes alliés au 15 du RPR). Avec les cantonales et territoriales de 1998, cette alliance vole en éclat d’autant plus que le Prince Charles Napoléon Bonaparte tente une « OPA » sur le CCB. Ayant fondé en 1997, l’Association pour la défense de l’image de la Corse, le Prince négocie une tête de liste avec Marcangeli qui refuse de se désister. Charles Napoléon tente une percée avec sa propre liste mais n’obtiendra que 7% face à un Marcangeli (42% soit 22 bonapartistes et 11 élus RPR).
Le 12 Juillet 2000 Marcangeli est mis en minorité au sein de ce qu’il reste de cette alliance et les démissions vont succéder aux démissions. L’élection municipale de 2001 va sonner le glas du CCB. Marcangeli (qui a perdu la présidence du Conseil Général qu’il détenait depuis 1998) n’obtient que 9 élus face à son adversaire de gauche Simon Renucci (34 élus). Pire, le Prince Charles Napoléon qui s’était présenté une nouvelle fois sur sa propre liste avait obtenu 11% et avait fédéré autour de lui des bonapartistes impérialistes du CCB. Ce score lui permettra de devenir Adjoint au maire d’Ajaccio en s’alliant avec Simon Renucci. Le CCB perd Ajaccio, la dernière ville bonapartiste de l’île.
Le Comité Central Bonapartiste aujourd’hui
Marcangeli meurt le 14 Novembre 2005 . C’est le controversé Noël Pantalacci qui lui succède à la tête d’un CCB affaibli. Lors des cantonales de 2004, Noël Pantalacci obtiendra sur le canton d’Ajaccio I un score de 14,51% des voix . Premier Adjoint au Maire d’Ajaccio, ce proche de l’ancien Ministre de l’Intérieur Charles Pasqua ne pourra pas remettre la machine bonapartiste sur les rails de la vie politique corse.
Dirigé aujourd’hui par André Villanova, rebaptisé par certains Parti Bonapartiste, il revendique 800 adhérents.
Allié de circonstance à l’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP) depuis 2010, le CCB a soutenu 4 candidats UMP lors des cantonales de 2011. Aux dernière territoriales, il avait noué également une alliance avec l’UMP de Camille de Rocca Serra qui avait obtenu 21 % des voix)
En 2013, le CCB se fait remarquer en déposant une gerbe de fleurs lors du 15 août ,date anniversaire de la "Saint Napoléon". Le CCB a refait une timide apparition sur le réseau social Facebook.
Liens externes
- [1]: historique du Comité Central Bonapartiste
- [2] : site officiel du Comité Central Bonapartiste (Inactif en 2013)
- [3]: groupe Facebook pour la reconstruction et la refondation du CCB (Inactif en 2013)
- [4]: article de Corse Matin du 23 Novembre 2009 sur le CCB
- [5] : site de la Mairie d'Ajaccio
- [6]: biographie d'Antoine Serafini sur le site de l'Assemblée Nationale
- [7]: entretien le 14 Août 2003 entre l'Express et l'écrivain Paul Silvani sur l'histoire du Bonapartisme
- [8] : article de Libération du 14 Novembre 2007 sur la politique en Corse
- [9] : article de Libération du 15 Avril 1998 sur l'affaire de la CADEC
- [10]: Page facebook du CCB (2013)