Souphanouvong

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L’éducation d’un Prince

Né le 13 Juillet 1909 dans une fratrie qui comptera bientôt 13 filles et 11 garçons, Souphanouvong ne sait pas encore qu’il est le 3ème fils du Vice- Roi Bounkhong de Luang Prabang..

Sa mère n’a pas la même origine sociale que son mari. C’est une de ces roturières que le Vice- Roi sait apprécier en toutes occasions et dont il n’hésite pas à passer la bague au doigt dès qu’il le peut. Ainsi, Bounkhong comptera pas moins de 11 épouses légitimes à ses côtés. Aussi, Souphanouvong reçoit-il le titre de Prince dans un Laos en formation et sous protectorat français depuis 1893. Et comme tous les Princes d’Indochine, le jeune garçon sera envoyé en France afin d’y parfaire son éducation. Il sera un brillant Diplômé de l'école des Ponts et Chaussées de Paris en 1937 avant d’être nommé ingénieur des travaux publics de l'Indochine avec poste permanent au Royaume d’Annam de 1939 à 1945.

Atmosphère de révolution en Indochine

Le Prince suit l’actualité politique de son pays avec passion. En 1941, le régime de Vichy qui a divisé le Laos en 8 provinces décide de lui rattacher les Provinces du Nord et celles de l’ancien Etat de Ventiane. Bien que la monarchie héréditaire fût conservée, le Roi n’avait que des pouvoirs plutôt symboliques. L’arrivée de fonctionnaires vietnamiens pour palier au manque de cadres dans le service public sera mal vécue par des laotiens en quête perpétuelle de reconnaissance. Traditionnellement, le Vietnam restait l’ennemi du Laos et ce même si avec le Cambodge, la Cochinchine, tous formaient cette entité coloniale française appelée Indochine. L’invasion japonaise fut durement ressentie dans la colonie. Lorsque le Roi Sisavang Vong fut contraint de proclamer une indépendance fantoche (Avril 1945), les groupuscules nationalistes laotiens s’aperçurent de leur droit à réclamer leur indépendance. Souphanouvong lui s’enthousiasmait particulièrement pour un jeune vietnamien, Ho Chi Minh qui n’avait pas hésité à s’affranchir de la tutelle coloniale dès le départ des japonais (Août 1945). Mais Souphanouvong n’en est pas moins un prince et les autorités coloniales se chargent de le faire rappeler à Luang Prabang dès Septembre.

Un reporter qui l’interroge sur la question du choix du régime politique en cas d’indépendance, le Prince lui répond simplement "qu’il adoptera le régime que le peuple choisira lui- même !"

La fratrie rebelle

Car parmi cette grande fratrie dont il fait parti, Souphanouvong a deux autres demi-frères également très impliqués politiquement. Le premier, le Prince [Phetsarath Rattanavongsa] (1890- 1959), avait été nommé Premier Ministre en 1941. C’est un nationaliste convaincu. Autant dire que l’arrivée au pouvoir d’Ho Chi Minh au Viet Nam est un événement qu’il ne néglige pas en dépit de cette idéologie communiste qu’il exècre. Il tente de convaincre le Roi de s’affranchir de la tutelle française car celle-ci a failli à sa mission, protéger le royaume d’une invasion. Sisavang Vong lui répond par une fin de non recevoir. En Octobre 1945, avec ses partisans du mouvement Lao Issara (Libérer le Laos), le Prince Phetsarath annonce que le Roi est déposé et qu’un nouveau gouvernement est formé sous sa juridiction. Ce régime ne va durer que 6 mois. Grâce à l’accord de paix avec le Vietnam et le retrait des forces chinoises de la frontière, les armées françaises s’emparent de Ventiane, la capitale, en Avril 1946 et restaure l’autorité du Roi. Il ne restait plus qu’au Prince Phetsarath de partir en exil vers Bangkok.

Son deuxième demi- frère, le Prince Souvanna Phouma est tout aussi actif que le Prince Phetsarath. Il participe à la création du Lao Issara et sera contraint comme lui de fuir vers la Thaïlande. Quant à Souphanouvong, il n’a pas perdu son temps. Il a rencontré Ho Chi Minh et occupe déjà un poste de ministre dans le nouveau gouvernement. La nouvelle de la restauration du Roi le réjouit autant que les dissensions entre membres du Comité Consultatif du Lao Issara l’agace profondément. En effet, Souvanna Phouma conditionne l’indépendance du Laos aux négociations avec la France et entre vite en conflit avec le Prince Phetsarath qui réclame une indépendance sans négociations. Encore faut-il ajouter que Souphanouvong lui même réclame une alliance avec les leaders Vietminh. Son ardeur à faire admettre cette dernière va vite lui valoir le surnom de « Prince Rouge ». Alors que tous trois sont en exil, la France accorde à sa colonie le statut d’état associé avec la réunification du pays sous la seule tutelle du Roi Sisavang Vong. Le Laos obtint même un siège aux Nations Unies tout en continuant d’être membre de l’Union Française.

Le Prince rouge

Au Vietnam, le Prince Souphanouvong décide, après la dissolution du Lao Issara, de créer le Pathet Lao (13 Août 1950). Le Prince se veut le porte parole de toutes les couches sociales du pays qu’elles fussent riches ou pauvres, le représentant de toutes les composantes ethniques du pays, des régions etc.. Il parle de gouvernement de coalition, de Front Uni, d’unité .. toute la rhétorique du leader communiste chinois Mao Zédong est désormais sienne. Rapidement ses partisans s’installent dans la province de Samneua et menacent l’équilibre du Royaume. La fratrie princière se divise. Souvanna Phouma, rentré au Laos, accepte de conduire un gouvernement de coalition en 1951. Les Etats-Unis entrent dans la danse craignant que le marxisme ne devienne une religion d’état. Des millions de dollars sont balancés dans l’économie laotienne et les spéculations se multiplient, le développement industriel négligé au profit de l’industrie de l’armement. Empêtré dans son conflit avec les communistes vietnamiens, la France perd pied peu à peu au Laos. Souvanna Phouma évincé en 1954 à la suite d’un complot pro- américain revient par la voie des urnes un an plus tard et dans ses bagages une alliance tactique avec son demi-frère Souphanouvong (le Pathet Lao se transformera en un Front Patriotique Lao ou NLHX). En Mai 1958, le F.P.L de obtient 9 des 21 sièges du gouvernement royaliste de coalition. Il n’en faudra pas longtemps pour que ce gouvernement fasse l’objet d’un nouveau renversement et en Juillet de la même année, les deux Princes sont mis en résidence surveillée avec l’accord tacite du Roi.

Corruption, détournement de fond, rébellion du Pathet Lao dans le Samneua, coup d’état militaire en 1959 (les deux Princes réussissent à s’évader en Mai. Souphanouvong rejoint le maquis, Souvanna Phouma part en exil au Cambodge) puis un contre coup d’état royaliste (Juin 1960) opéré par les parachutistes du Capitaine Kong Lê ramène une nouvelle fois au pouvoir Souvanna Phouma. La situation est de plus en plus confuse dans le pays. Le pays se retrouve bientôt avec deux gouvernements dont l’un tient Ventiane et celui de Souvanna Phouma à Khan Kay où il a fait appel à l’aide du camp communiste de son demi-frère. Il faut attendre Août 1960 pour que le Roi Sri Savang Vatthana (depuis 1959) accepte de nouveau la nomination de Phouma à la primature. Mais le 8 Décembre 1960, Souvanna Phouma décide de limoger son protecteur, le Capitaine Kong Lê, qui met à son tour 24 heures pour destituer le Premier Ministre obligé de fuir une nouvelle fois vers la Thaïlande. Le 23 Mars 1961, le Président Kennedy se prononce pour un Laos neutre et indépendant. C’est le feu vert vers un nouveau gouvernement d’union nationale censé stopper la guerre civile. De nouveau, Souvanna Phouma est rappelé au pouvoir. Des négociations dites des «  3 Princes » sont entamées en Suisse. Chacun des camps en présence obtiendra des portefeuilles ministériels. Souvanna Phouma (neutraliste) reste Premier Ministre et Souphanouvong (Pathet Lao) entre au gouvernement comme Vice Premier Ministre. Tout comme un ancien Premier ministre (leader royaliste), le Prince Chao Boun Oum (1911- 1980).

La République du Laos

La situation ne va pas s’améliorer pour autant. Avec la reconnaissance du Vietnam Nord (qui fournit des troupes à Souphanouvong) comme seul pouvoir légitime et une ambassade ouverte en Chine, les Etats-Unis refusent désormais de soutenir la monnaie nationale. L’aviation américaine bombarde quotidiennement (sous couvert de mission de renseignement) les positions du Pathet Lao et le Roi isolé sur la scène internationale. L’assassinat du Ministre des Affaires Etrangères dans la capitale en Avril 1963 provoque le départ des ministres du Pathet Lao et un an plus tard un coup d’état met le pays sous la loi martiale (Souvanna Phouma reste néanmoins Premier Ministre). La rupture entre les deux demi-frères est complète. Souphanouvong refuse de reconnaître les élections organisées dans les régions contrôlées par le gouvernement qui se radicalise de plus en plus. Le Prince rouge déclarera alors (1969) : « que Souvanna Phouma couvre les crimes d'agression de ses maîtres américains contre le peuple laotien et essaie de blanchir ses propres actions anti-populaires de trahison nationale ». En Avril 1970, Souphanouvong rencontre le Roi Sihanouk du Cambodge et des représentants vietnamiens. Tous signent un accord où « les peuples Khmers, Laos et Vietnamiens affirment leur solidarité dans la lutte contre l'impérialisme Américain ». Les troupes du Pathet Lao avancent et en Février 1971 menace Luang Prabang. Souvanna Phouma obligé de négocier avec son demi- frère ordonne un cessez le feu qui n’interviendra pas avant 1973. Le Roi Sri Savang Vatthana s’est réfugié à Ventiane, les américains dont le budget militaire a été considérablement réduit, font ce qu’ils peuvent pour retarder ce qui apparaît désormais comme inéluctable. Le 3 Avril 1974, c’est une foule en liesse qui acclame Souphanouvong alors qu’un dernier gouvernement d’union nationale est formé sous la houlette de Souvanna Phouma. Un an après, la chute de Saïgon provoque le retrait des américains du Laos. Le Roi tente alors de reprendre le pouvoir en provoquant la dissolution de l’Assemblée Nationale le 14 Avril 1975. Le Prince Boun Oum menace de faire sécession dans la province royale du Champassak. Le Pathet Lao entame alors progressivement une intoxication complète de la vie sociale du pays à commencer par les étudiants sensibles aux discours marxistes. Des manifestations sont organisées dans le pays et le 29 Novembre, le gouvernement d’Unité nationale démissionne. Le Roi est forcé d’abdiquer, mis en résidence surveillée et un soi disant « Congrès National » s’empresse de déclarer la République Démocratique et Populaire du Laos avec à sa tête le « Prince Rouge » Souphanouvong.

Le Prince Rouge restera solidement à la tête du Laos jusqu’en 1986 avant de devoir démissionner pour raisons de santé. Il sera finalement écarté de toutes décisions politiques en 1991 avant de décéder le 12 Janvier 1995.

Souvanna Phouma meurt en exil le 10 Janvier 1984, âgé de 83 ans. Le Roi avait disparu mystérieusement depuis 1977 dans un camp de rééducation laotien…

Liens Internet

[1] : Site sur l'histoire du Laos [2] : Vidéo sur la famille royale du Laos