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Paul Mirerekano
Né dans les années vingt dans une famille de paysans Hutus, Paul Mirerekano fait des études d’agronomie et se lance avec succès dans les cultures maraîchères dès 1945. Conscient du poids politique des paysans Hutus, il va se distinguer lors de la visite du Roi des Belges en déjouant la vigilance de sa garde et lui donne lecture des conditions de vie des paysans Impressionné, le Roi Baudoin lui enverra deux tracteurs modernes dont un qui sera détourné par l’administration coloniale. Très tôt, il se manifeste aux autorités coloniales par ses actions politiques pro-indépendantistes qui le mettent rapidement sous surveillance non sans avoir tenté en vain de le muter au Rwanda. En réaction, Paul Mirerekano démissionne de l’administration coloniale dont il est un fonctionnaire.
Il rencontre le Prince Louis Rwagasore et se rallie à ses projets. Le 4 octobre 1959, L’Union pour le progrès national (UPRONA) est né et succède à L'Union Nationale du Rwanda-Urundi (UNARU ) , fondée en juillet de la même année. Sachant la volonté des belges de diviser la colonie en deux, Paul Mirerekano avait convaincu ses amis de changer le nom du parti afin de refléter l’identité du Burundi et financer les débuts du mouvement sur ses fonds propres.
Le nouveau mouvement rassemble toutes les ethnies du pays et va lutter pour une monarchie burundaise indépendante de la Belgique. Le nouveau pouvoir colonial s’inquiète des meetings de l’UPRONAet n’osant pas toucher à un membre de la famille royale s’évertue à harceler Paul Mirerekano, Convoqué par le Gouverneur Harroy qui lui demande de se retirer de la politique Paul Mirerekano refuse. Le lendemain, son compte en banque est bloqué. Averti de son arrestation imminente par le Prince Rwagasore, ce dernier nomme Mirerekano Représentant de l’UPRONA aux négociations d’indépendance et l’envoie au Congo Belge en 1959.
L’assassinat du Premier ministre congolais Patrice Lumumba (1960) le contraint de nouveau à l’exil vers la Tanzanie. Ce n’est qu’avec la proclamation de l’indépendance qu’il peut revenir au Burundi.
Durant son absence, le Prince et récemment nommé Premier ministre Louis Rwagasore a été assassiné le 13 octobre 1961. Le meurtre a été organisé par des membres du PDC (Parti Démocrate Chrétien), un parti piloté par les colons belges. L’UPRONA se retrouve sans leadership. Si théoriquement le Prince Louis Rwagasore était considéré comme le Président du mouvement monarchiste, dans la réalité, il n’en était rien. André Nugu occupait la présidence du parti et Rwagasore la Vice-Présidence. Lors des élections générales de 1961, André Nugu est élu gouverneur et se démet de ses fonctions au sein de l’UPRONA. L’élection comme Premier ministre de Rwagasore avait retardé l’élection à la tête du parti de ce dernier. Disparu, Paul Mirerekano se pose en successeur direct de son mentor.
Mais la cour royale ne l’entend pas de cette oreille. Les cadres tutsis du parti font pression auprès du Roi Mwambutsa IV afin qu’il nomme un des leurs au poste de Premier ministre. Tous en encore en mémoire les massacres tutsis au Rwanda voisin. Notamment André Muhirwa (1920 –2003), beau- frère du Prince Rwagosore , époux de la princesse Rosa Paula Iribagiza, qui reproche à Paul Mirerekano d’être Hutu . Les Jeunesses nationalistes Rwagasore qui estiment être également les garantes de l’héritage du prince s’invitent dans le débat et multiplient les affronts contre les Hutus. Mwambutsa IV tranche et nomme André Muhirwa comme Premier ministre en raison « de sa proche parenté avec le Prince Rwagasore ». Pour autant la question du leadership de l’UPRONA n’est pas réglée.
S’engage alors des tractations entre le clan astridien (ainsi nommé les cadres de l’Uprona issus de l’Institut scolaire Astrida) et Paul Mirerekano. On propose au premier le poste de Président au second celui de trésorier . Paul Mirerekano rejette ce compromis et finit par obtenir la présidence de l’UPRONA le 15 janvier 1962. Les tensions entre Paul Mirerekano et André Muhirwa éclatent au grand jour lorsque le leader de l’UPRONA organise le 15 août 1962 au sein du Stade Prince Louis Rwagasore de Bujumbura un meeting qui réunit 3000 personnes et se met à critiquer les dépenses outrancières du gouvernement.
Le ministre de l’Intérieur, Jean Ntiruhwama, s’irrite de ce rassemblement et au motif qu’il est interdit, envoie un escadron de gendarmes arrêter Paul Mirerekano. Mais une fois son arrestation signifiée, Paul Mirerekano est immédiatement libre de tous mouvements. L’escadron de gendarmes composé de membres Hutus refusent de l’emmener en prison, l’escorte jusque dans sa résidence et se positionne autour de la villa.
Dans le conflit qui l’oppose au Premier ministre, Paul Mirerekano reçoit le soutien inattendu du Roi qui finit par céder une nouvelle fois devant la pression de son gendre. Paul Mirerekano à la suite d’élection interne du parti le 14 septembre 1965 est nommé Vice Président et laisse son siège (malgré des soupçons de fraudes) à Joseph Bamina , un hutu qui a les faveurs du Premier ministre . Les tensions ethniques s’accroissent.
Mirerekano est de nouveau arrêté le 26 Février 1963 sur ordre du Premier Ministre. Mais une mutinerie de la gendarmerie le libère de sa prison de Mpimba. Remis en prison, il est finalement relâché le 17 Juillet sur l’intervention personnelle du Roi Mwambutsa IV. Il quittera Bujumbura et se réfugie au Rwanda un an plus tard. Pierre Ngendandumwe (1930-1965) est nommé par le Roi Premier ministre le 18 juin 1963. Le souverain tente par cette action d’apaiser les tensions. Le nouveau Premier ministre à la réputation d’être un consensuel et d’être le premier Hutu à être nommé à ce poste. Alrs qu’il tente de former un gouvernement mixte, tous les hutus qu’il appelle comme ministre sont rejetés par les plus extrêmes de l’UPRONA. Il démissionne le 6 avril 1964 avec fracas après avoir refusé le limogeage de 3 ministres hutus .. accusés d’activité anti monarchiste. Le gouvernement de son successeur ne durera pas 9 mois . Pierre Ngendandumwe est rappelé . il prend contact avec Paul Mirerekano, toujours en exil. Le pays est en crise politique d’autant que le frère du Roi, le Prince Ignace Kamatari , est décédé assez curieusement le 27 mai 1964. Un accident de voiture avait conclu le rapport d’enquête alors que des rumeurs d’assassinat se faisaient fortes dans la capitale. Sa nomination ne plait guère. Les Jeunesses Nationales Rwagasore lui adresse une sévère lettre au Premier ministre qui est obligé de rappeler son attachement à l’UPRONA. Il est assassiné le 15 janvier 1965. Le Roi Mwambutsa IV tente alors de sauver la paix en convoquant des élections législatives. Sa marge de manoeuvre est étroite. Il doit maintenir l’équilibre du pouvoir tout en évitant un regain du monapartisme ou une opposition trop forte.
Lors des législatives d’avril 1965, c’est l’épouse Tutsi de Paul Mirerekano qui revient au Burundi et s’occupe du dossier de candidature de son mari. Catherine SINIREMERA fait campagne pour lui avec peu de discours et en promenant sa photo : « Vous le connaissez tous et il m’a demandé de vous dire qu’il sollicite vos voix ». Paul Mirerekano est élu député de Bujumbura le 10 mai 1965 sans même s’être déplacé. Signe de sa popularité. A son retour, il crée les Jeunesses Ngendandumwe en hommage à l’ancien Premier ministre. Le gouvernement burundais accepte sa nomination comme Vice –Président de l’Assemblée.
Il déchante vite avec l’abolition de la constitution le 10 mai 1965. Il craint un putsch….Il au raison Le 19 octobre 1965, des Hutus tentent de s’emparer du pouvoir en vain. Des massacres de tutsis ont lieu dans tout le pays. Il est arrêté avec plusieurs députés, condamné à mort et exécuté rapidement le 25 octobre. La monarchie tiendra encore quelques mois, balayée par un coup d’état.
48 ans après son assassinat, lors d’une cérémonie où participera des membres de la famille royale dont la Princesse Rosa Paula Iribagiza , la famille de Paul Mirerekano lèvera la période de deuil. Dans son discours la Princesse Rosa Paula Iribagiza a tenu à rappeler que « Paul Mirerekano et prince Louis Rwagasore étaient de vrais amis et le roi Mwambutsa respectait leur amitié. A chaque fois que les Belges tentaient de l’emprisonner pour avoir refusé la soumission, le roi Mwambutsa faisait tout pour que M. Mirerekano soit libéré. »
Le fils de Paul Mirerekano a été assassiné lors des massacres de 1972.
Paul Mirerekano n’a pas tué, insiste-t-elle, que des mauvaises langues cessent de salir son nom : « Les massacres de Busangana sont survenus après sa mort. En novembre 1988, l’ancien Président Julius Nyerere lors du discours d’Arusha avait témoigné des faits suivants : « Mirerekano, était écarté de l’accès à la présidence à cause de son origine ethnique. Après quoi, s’en est suivi la discrimination contre les Hutus. A cet égard, l’équilibre du pouvoir entre la majorité et la minorité fut compromis ! »