Le monarchisme dans le Nord-Pas-de-Calais de 1873 à nos jours

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Le Nord de la France et la monarchie des Bourbons

C’est au XVII ième siècle avec les conquêtes de Louis XIV, que le Nord-pas-de-Calais entre totalement au sein de la monarchie française où Vauban en achève de fortifier les citadelles. Terre catholique, le Nord-pas-de-Calais subit la révolution française avec peu de résistance, divisée entre royalistes qui ont rejoint les armées autrichiennes (1792-1794) et dont l’aristocratie détenait 31% des terres avant la chute de la monarchie et les partisans de la révolution, qui «s'acharne sur les symboles de l'Église en détruisant de nombreux trésors artistiques et en vendant les biens du clergé dans l'indifférence». Notamment après la reconquête de la région par les révolutionnaires en 1794.

C’est à Calais que Louis XVIII choisit de débarquer en France le 24 avril 1814 pour retrouver son trône. Après la période impériale qui a transformé à diverses reprises les frontières de la région, celle-ci se pavoise de Lys avant de brièvement faire allégeance à Napoléon Ier à son retour de l’île d’Elbe puis après Waterloo d’accueillir avec faste de nouveau Louis XVIII et les armées prussiennes qui occupent tout le Nord de la France.

Louis XVIII à Calais

Jusqu’à la chute du Second Empire, le Nord-pas–de–Calais oscillera entre ralliement aux Bourbons ou aux Bonapartes, profitant des différents régimes pour connaître un essor économique important. La presse aura un large écho dans la diffusion des idées monarchistes après 1848 et qui va agacer les régimes en place. Ainsi en mai 1852 , le « Courrier du Pas-de-Calais » reçoit un avertissement pour avoir publier une lettre du Comte de Chambord. A la veille du rétablissement du Second Empire par référendum, « L’Emancipateur » de cambrai est suspendu pour avoir affiché son ralliement à la restauration de la monarchie. A contrario, C’est encore la presse régionale qui va influer sur le vote qui plébiscite le maintien du Second Empire à la veille de la guerre franco-prussienne. Le Nord-pas-de Calais manifeste son adhésion au régime avec 94% de oui (le Nord a voté à 87% de oui)

La République proclamée, le monarchisme demeure néanmoins une clef de voûte de la vie politique nordiste jusqu’en 1939 notamment avec l’Action française.

Le légitimisme, figure de proue du catholicisme royaliste en Nord-pas-de-Calais

Les légitimistes font paraître de novembre 1870 à sa fusion en mars 1873, le « Petit journal du Nord ». Le titre ne plaît pas à son confrère parisien qui lui intente un procès et qui force la rédaction monarchiste en juillet 1871 à changer de nom (« Journal du nord »). Les frais du procès ont ruiné le journal qui ne peut plus sortir son journal que 3 fois par semaines avant de fusionner avec son concurrent en mai 1873.

Assemblée nationale en 1871

A la suite des élections législatives du 8 février 1871, les monarchistes en majorité à l’assemblée refusent le titre de président de la République à Adolphe Thiers obligé d’adopter celui de « Chef du pouvoir exécutif de la République française ». « L’Emancipateur de Cambrai » et le « Propagateur du Nord et du-pas-de-Calais » deviennent les organes principaux monarchistes de la région. Ce dernier est d’ailleurs la voix d’Henri V de Bourbon, Comte de Chambord en Nord-pas- de-Calais

Parmi les monarchistes qui refusent le soutien à Thiers (et qui contribueront à sa chute en mai 1873), il y’a le député du Nord-pas-de-Calais et avocat, Auguste Paris (1826-1896) agé de 45 ans à son élection en 1871.

C’est un catholique modéré et un ardent monarchiste, partisan du Comte de Paris, auteur d’ouvrages historique sur sa région. 6ième sur une liste de 15 personnes, sa verbe étonne. 138 368 voix sur 149532 votants lui accordent le poste de député à l’Assemblée. Il est de tous les débats notamment sur l’enseignement supérieur et les questions économiques. Sénateur le 30 janvier 1876, ministre des Travaux publics en mai 1877, il retrouve après 3 ans d’absence le sénat en 1885 tout en étant élu Conseiller municipal d’Arras de 1884 à 1888. Il se retire de la politique en 1891.

Egalement, l'avocat lillois Antoine-Théodore-Joseph Théry (1807-1896), élu député en février 1871 qui marque l'histoire du royalisme en étant membre petit nombre des députés de la droite intransigeante qui se liguèrent avec la gauche pour empêcher l'élection des orléanistes. Elu sénateur inamovible par l'Assemblée nationale, le 11 décembre 1875, il prendra place à l'extrême droite, vote pour la dissolution de la Chambre demandée par le ministère de Broglie en juin 1877.

Adolphe Thiers

Le prétendant au trône, le Comte de Chambord est décédé le 23 août 1883. La restauration a échoué, le journal légitimiste, « La Vraie France » parle de la mort du prétendant comme une « catastrophe ». Jusqu’au 5 septembre, il sortira son journal orné d’un liseré noir, couleur de deuil. Les monarchistes se divisent, « L’Emancipateur de Cambrai » se rallie sans enthousiasme au Comte de Paris Philippe VII. avec lui ses 6000 lecteurs quotidiens. Mais dès 1886, le dirigeant de « L’Emancipateur de Cambrai » décide de rallier la république, les monarchistes désertent la lecture de ce fleuron monarchiste de cambrai, le journal va bientôt cesse d’exister.

Les monarchistes se réorganisent autour de deux titres (dont le quotidien Pas-de-Calais dès 1896) , alors dirigé par le député légitimiste et banquier Achille Adam (1859-1914). Une autre figure du Nord-pas-de-Calais qui sera réélu à chaque élection député monarchiste de 1889 à 1902. Avant l’arrivée du parti national sur la scène électorale nordiste, le royalisme dans le Nord-pas-de-calais, peut être résumé ainsi : loin d’être « un monarchisme aristocratique et rural comme en Bretagne », il reste « mouvement relativement libéral et modéré, plus orléaniste que légitimiste, et animé non par des hobereaux campagnards mais par des bourgeois de la ville (souvent juristes ou industriels). Si, en dehors des bastions de Lille et de Douai, l’implantation militante reste assez lâche le royalisme dispose de divers réseaux influents dont il sait se servir : la presse, bien sûr (une bonne vingtaine de titres dans les années 1880), les liens économiques et professionnels, la religion, les relations sociales et familiales, etc. Comme ailleurs, les résultats électoraux se maintiennent à un bon niveau tant que les intérêts dynastiques et religieux coïncident ; ils s’effondreront rapidement quand une divergence se produira entre ces deux priorités »

Les monarchistes de toutes tendances rallient le Général Boulanger, qui profite de leurs divisions comme celles des républicains pour être élu député dans le Nord. Tous se plaisent à croire que la République va tomber. C’est un échec finalement en 1889. Les législatives de septembre-octobre 1889 remettent en cause cette alliance entre monarchistes boulangistes Succès en demi- teinte car si cette alliance l’emporte incontestablement sur la gauche (155 000 voix contre 132 000), en son sein les boulangistes sont pratiquement éliminés : un seul élu (Lalou à Dunkerque-1) pour 7 royalistes et 2 bonapartistes. La défaite à Cambrai-1 de Martimprey, apôtre notoire de l’alliance du général et du comte de Paris, symbolise bien l’échec de cette dernière

Il y’a encore 138 monarchistes au parlement mais avec les derniers 72 députés du boulangisme, ils ne peuvent destabiliser le gouvernement qui a envoyé 336 républicains à l’Assemblée. Fin de l’année 1896, certains légitimistes créent à Lille un comité de la Jeunesse royaliste à Lille, qui prétend avoir des sections locales dans six autres localités  Armentières, Douai, Fives, Halluin, Roubaix et Tourcoing....

Assemblée nationale en 1889

Le légitimisme et sa presse s’étiolent après cette élection, faute de soutiens des prétendants Bourbons à la cause notamment. Les légitimistes se tournent vers des groupes ou mouvements. Lors des législatives de 1896, Dans le Nord, tandis que les ralliés obtiennent des résultats honorables (20 % des voix et 6 élus), la droite monarchiste confirme son effondrement de 1893 : 7,4 % des voix et un seul élu royaliste 2,6 % et un siège bonapartiste avec un maigre 1,2 %. Les partisans du Prince Victor-Napoléon lui reprochent ses choix politiques autant que le peu de visite à leurs sections. Naguère les premiers opposants ou alliés de circonstance aux monarchistes en terme électoral, le bonapartisme impérial disparaît lentement politiquement. Les scores dans le Pas-de-Calais sont encore plus médiocres, même si les ralliés (royalistes ayant ralliés la République suite à la demande du Pape Léon XIII. Lors de la parution de cette encyclique, 5 députés nordistes royalistes légitimistes avaient rejoint la Droite Constitutionnelle de Jacques Piou) ont là aussi des motifs raisonnables de satisfaction (14 % des voix et 3 élus) : royalistes, bonapartistes et nationalistes n’ont aucun candidat officiel et en 1902, il n’y a plus de monarchistes du Nord à l’Assemblée.

L'Action française dans le Nord-pas-de-Calais

C’est donc très légitimement que l’Action française s’installe dans le Nord-pas-de-Calais et notamment à Lille en mai 1909 avec à sa tête le docteur François Guermonprez (1849-1932), avant d’ouvrir deux autres sections à Roubaix et Armentières puis en 1911 à Dunkerque avec un organe, le « Nord Patriote ». Le 27 décembre 1908, déjà,  Louis Dimier et Abel Manouvriez, au nom de l'Action française, prennent avec succès la parole à Valenciennes, où il n'y avait pas eu de réunion royaliste depuis 1873.

La forte présence de catholiques convaincus marque le particularisme des sections du nord de l’Action française. Mais c’est après la première guerre mondiale que l’Action française connaît un grand essor dans le Nord. Le nationalisme du mouvement monarchiste, soutien à l’Union sacrée, est critiqué par les Evèques de Lille (Mgr Quilliet) et de Cambrai (Mgr Chollet) qui ne cachent pas leurs réticences envers l’Action française .

Le mouvement royaliste peut même se targuer de présenter des listes symboliques aux élections de 1914 et 1919. La plupart des candidats étaient des personnalités de second ordre et surtout centrées dans différentes circonscriptions de Lille. Tentatives non renouvelées en mai 1924 (malgré une tentative d’alliance avec les catholiques de l’Entente républicaine démocratique) et 1926.

En 1922, l’Action française (AF) du Nord est complètement recomposée. Leur bulletin, « L’Echo » né en 1923 achève de diffuser les idées du mouvement avec le Fanion, né en 1925, organe mensuel de la section d’Action française de Lille, qui devient en 1929 Le National des Flandres et d’Artois. Dans les années qui suivent, l’Action française s’étend dans l’arrondissement d’Avesnes (deux sections), dans celui de Cambrai (deux sous-sections : Le Cateau et Caudry), Douai (trois sections), Dunkerque (une section supplémentaire), Valenciennes (deux sections), Lille (sept sections), soit seize sections début 1929. Le territoire métropolitain est divisé en dix secrétariats régionaux ou zones. M. Maurice Dupont, journaliste, est le secrétaire de la première zone et réside à Amiens.

L'Action française en 1908

Entre 1923 et 1925, l’AF manifeste dans Lille et n’hésite pas à faire le coup de poing à tous ce qui se rapproche de républicains comme les partisans de l’Action libéral (« ces royalistes qui ont ralliés la République ») ou du Bloc national accusé de brader le nationalisme quand ce n’est pas avec la police en 1923 ou en décembre 1925 lors de la visite de Léon Daudet à Lille.

À Roubaix, en janvier 1923, une réunion donne la parole à quatre orateurs, dont deux viennent de Paris (Georges Valois et Marie de Roux) et s’achève par la projection d’un film sur le cortège de Jeanne d’Arc de 1922, tandis que des voix, derrière l’écran, font entendre des chants royalistes. Le 1er février à Lille, un congrès de l’AF réunit 3000 personnes.

Les effectifs des monarchistes d’Action française dans le Nord se chiffrent par milliers, leurs dirigeants pratiquement tous issus des milieux industriels. La condamnation en 1926 du mouvement par le Pape, met un frein à l’hégémonie royaliste dans les milieux catholiques et amorce le déclin de la section Action française Nord. Malgré les événements du 6 février 1934, beaucoup de royalistes désertent le mouvement pour rejoindre les Jeunesses patriotes ou les Croix de Feu.

Un monarchisme en berne

Lors de la mise en place du Régime de Vichy, les royalistes se divisent une nouvelle fois. Le président de la section d’Action française de Roubaix, Bernard d’Halluin, (1895-1974), se rallie au Maréchal Pétain puis plus tard en 1942, au Général de Gaulle le « garant de la grandeur de la France ». D’ailleurs, il claquera la porte du mouvement monarchiste pour prendre la direction Syndicat (réunifié) patronal textile de Roubaix-Tourcoing.  L’abbé Jean-Marie Gantois (1904-1968), proche des idées royalistes et ancien adhérent de l’AF tombe dans la collaboration et le rêve d’un état flamand unifié pour lequel en 1924, il avait déjà créé  l'Union flamande de France (Vlaamsch Verbond van Frankrijk ou VVF).

l’avocat Jean Brackers d’Hugo crée en 1939, la "Voix du Nord", à Lille et après quelques publications, regrettant cette défaite, se verra interdit de publication au moment de la prise de pouvoir du Maréchal Pétain.

Les activités monarchistes se raréfient sous la seconde guerre mondiale pour ne devenir plus qu’épisodiques après la seconde guerre mondiale, suivant les traces mouvementées de l’histoire de l’Action Française.

Le royalisme aujourd’hui en Nord-Pas-de-Calais

Les années 2000 marquent le retour du monarchisme dans la vie politique locale de la région. L’Action française est toujours présente notamment à Lille et participent régulièrement aux commémorations traditionnelles royalistes ou manifestations anti-gouvernementales comme en 2013 avec le mouvement du « Printemps français ».

L'Alliance royale aux 800 ans de Bouvines

Autre mouvement politique implanté en Nord-pas-de-Calais , l’Alliance royale (AR) dont la délégation est dirigée par Jérôme Szczepanski, lui-même élu Adjoint au maire de Mouriez siégeant comme indépendant et actif politiquement. En témoigne sa récente interpellation abusive en marge d’une manifestation contre la venue du Premier ministre de la république (septembre 2014). L’Alliance royale a présenté des listes dans le nord-pas-de-calais aux élections européennes de 2004 avec à sa tête Pierre van Ommeslaeghe ( il a obtenu 0.03% des voix avec 784 votes) et municipales de Mouriez (70%) et Caudry (1.43%) soutenus par le Groupe d'action royaliste.

L’AR a accueillit le Duc d’Anjou lors des festivités du 800ieme anniversaire de la bataille de Bouvines en juillet 2014

Le nombre d’adhérents pour les deux groupes regrouperaient environ moins de 500 adhérents et sympathisants dans la région.

Il existe également un cercle légitimiste dans la région mais non politisé.

Liens externes

  • [1] : Histoire du Nord-pas de Calais
  • [2] : Histoire de la presse dans le Nord-pas-de-Calais.
  • [3] : Les ligues dans le Nord et le Pas-de-Calais, du boulangisme à l'affaire Dreyfus
  • [4] Histoire de l’Action française dans le Nord
  • [5] : L’Action française à Lille.
  • [6] : Histoire de l’Action française (département du nord)
  • [7] : L’Action française à Lille
  • [8] : Alliance royale Nord-pas-Calais
  • [9] : L’Alliance royale aux élections municipales