Léon Daudet

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Léon Daudet, né le 16 novembre 1867 à Paris et mort le 30 juin 1942 à Saint-Rémy-de-Provence, est un écrivain, un journaliste et un homme politique français.


De la médecine à l'antidreyfusisme

Léon Daudet est le fils aîné d'Alphonse Daudet et le frère de Lucien Daudet. Son père, écrivain renommé mais aussi homme enjoué et chaleureux, a beaucoup d'amis. Ses réceptions du jeudi attirent de nombreuses personnalités du monde de la culture, aussi Léon fréquente-t-il dès son enfance des écrivains et des journalistes, les uns, comme Gustave Flaubert, visiteurs épisodiques, les autres, comme Edmond de Goncourt, presque membres de la famille. Maurice Barrès, Émile Zola, Edouard Drumont, Guy de Maupassant, Ernest Renan, Arthur Meyer, Léon Gambetta, entre autres, marqueront ses souvenirs d’enfance.

En 1885, il entame des études de médecine dans l'espoir de soulager son père malade. Il voit de l’intérieur le monde médical et fréquente des sommités comme Jean-Martin Charcot jusqu’à son échec au concours de l'internat, en 1891. Cette expérience lui permet d'écrire Les morticoles (1894), caricature amère du monde médical, qui le fait connaître.

Son premier roman, L'Héritier, paraît en 1892, en feuilleton dans La Nouvelle Revue de Juliette Adam. En 1900, il est critique de théâtre au journal Le Soleil, collabore au Gaulois et à La Libre Parole. Il débute ainsi une carrière d'écrivain et de journaliste qu'il continuera à un rythme enfiévré jusqu’à sa mort : il laissera environ 9 000 articles et 128 livres dont une trentaine de romans, une quinzaine d'essais philosophiques, des ouvrages de critique littéraire, des pamphlets (une dizaine), de l'histoire, et enfin ses Souvenirs, publiés avec succès de 1914 à 1921 qui restent son premier titre de renommée littéraire.

En 1891, il épouse civilement Jeanne Hugo, petite-fille du poète, sœur de son meilleur ami Georges Hugo, à la mairie du XVIe (Victor Hugo avait défendu à sa descendance la pratique du mariage religieux). Son beau-père, Édouard Lockroy, occupe différents postes ministériels entre 1886 et 1899. Ce mariage lui fait découvrir de l'intérieur le monde qui gravite autour du poète national : sa famille et le parti républicain. Il divorcera en 1895, et Jeanne Hugo épouse en secondes noces Jean-Baptiste Charcot.

La révision du procès d'Alfred Dreyfus en 1898 le fait opter, ainsi que sa famille, pour le camp de l'ordre et de l'armée. Emporté et entier, il n'admettra jamais l'innocence du capitaine et verse dès lors dans un antisémitisme qui associe le juif à l’Allemagne, antisémitisme auquel l'avait sans doute préparé l'amitié de son père avec Édouard Drumont.


Le polémiste de l'Action française

Bien qu'il connût déjà Charles Maurras et Henri Vaugeois, c'est sa rencontre, en 1904, avec le Philippe d'Orléans (1869-1926) qui décide de sa vocation monarchiste, vocation renforcée par son mariage, en 1903, avec sa cousine Marthe Allard, qui partage ses idées et les finance.

L'affaire des fiches (1904), suivie de l'Affaire Syveton, renforcent son engagement dans la politique.

En 1908, il est l'un des fondateurs, avec Charles Maurras, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, du quotidien L'Action Française, où il exerce la fonction de rédacteur en chef, puis de co-directeur à partir de 1917, et dont il demeurera l'éditorialiste jusqu'en 1941.

Il devient dès lors une figure de la vie culturelle et politique : articles polémiques, style percutant et comique, mais aussi essais, livres d'histoire et romans se succèdent à un rythme soutenu. Le personnage est énorme, au moral comme au physique, mangeant, buvant, écrivant, discourant sans cesse. Celui qu'on surnomme « le gros Léon » défraye la chronique, autant par ses écrits que par les duels que lui valent ses insultes et les coups qu'il donne ou reçoit au cours de manifestations qui se terminent souvent au poste.

À partir de 1912, il entame une campagne dénonçant l'infiltration des milieux des affaires et de la politique par des agents à la solde de l'Allemagne, campagne dont il verra l'aboutissement avec l'arrestation de Miguel Almereyda (Affaire du Bonnet rouge) lors de la Première Guerre mondiale en 1917, suivie de celles de Louis Malvy et de Joseph Caillaux, accusés de forfaiture.


Député de Paris, mort de Philippe Daudet et emprisonnement

De 1919 à 1924, il est député de l'Union nationale à Paris, principal porte-parole des nationalistes et, même s'il estimera plus tard avoir perdu là quatre ans et demi de sa vie, les occasions ne lui manquent pas d'animer les débats par ses boutades et ses invectives.

En 1923, son fils Philippe Daudet meurt dans des circonstances restées mystérieuses. L'enquête retient la thèse du suicide, mais des bizarreries dans l'enquête, des coïncidences et le climat de violence politique de l'époque (Marius Plateau, un responsable de l'Action française, a été assassiné quelques mois plus tôt par une anarchiste) laissent la place au doute.

Léon, quant à lui, n'hésite pas à mettre en cause la police politique du pouvoir républicain, porte plainte contre plusieurs hauts fonctionnaires et, au terme d'une enquête publiée jour après jour dans l'L'Action Française, accuse de faux témoignage un des principaux témoins, ce qui lui vaut d'être condamné, en 1925, à cinq mois de prison ferme.

En 1927, ayant épuisé tous les recours, Léon Daudet transforme pendant quelques jours les locaux de L'Action Française en Fort Chabrol avant de se rendre. Incarcéré à la Prison de la Santé, il est libéré deux mois plus tard par les Camelots du Roi, qui sont parvenus, détournant les communications téléphoniques de la prison et déployant des dons d'imitateurs, à faire croire à son directeur que le gouvernement lui ordonnait d'élargir discrètement le journaliste monarchiste et, pour faire bonne mesure, le député communiste Pierre Sémard.

Suivent deux ans d'exil à Bruxelles, durant lesquels il continue sa collaboration avec le quotidien monarchiste et la publication effrénée d'essais, de pamphlets, de souvenirs et de romans.


Les années 1930 et Vichy

De retour à Paris après avoir été été gracié, il reprend sa place au journal et participe activement à la vie politique : il dénonce la corruption du régime, prédit la guerre et redoute le relèvement de l’Allemagne.

L'occupation allemande désole ce patriote résolument latin et viscéralement antigermanique, qui a depuis les années 1920 beaucoup tempéré son antisémitisme.

Il meurt en 1942 à Saint-Rémy-de-Provence, dans le pays des « Lettres de mon moulin ».

Léon Daudet, écrivain

C’est dans son œuvre de mémorialiste que ses dons d’écrivain paraissent aujourd’hui les plus éclatants.

Il entreprend la rédaction de ses mémoires à 47 ans en 1914, voulant offrir à ses lecteurs « un tableau véridique sans l’atténuation qu’apporte aux jugements un âge avancé ». Il les intitule Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux. Il a, dès son enfance, côtoyé des écrivains, des scientifiques, des hommes politiques, des journalistes , des hommes de théâtre, et aura été proche de nombre d'entre eux. Son sens de l'observation, son style enlevé et sa férocité lui ont permis de graver à l’eau forte des milliers de pages de portraits et d’anecdotes qu'on dirait saisis sur le vif.

Si ses romans - il poursuivra toute sa vie une carrière de romancier avec un insuccès littéraire à peu près total - ont beaucoup vieilli, si son œuvre de polémiste ne suscite plus l'intérêt, ses Souvenirs restent une mine pour tous ceux que la IIIème République intéresse.

Son antisémitisme peut choquer aujourd’hui, mais faut-il rappeler qu’il était, au tournant du siècle, répandu dans toute la société française, voire européenne ? Ses jugements à l'emporte-pièce et ses partis pris souvent dictés par ses haines politiques n'empêchent pas des opinions originales et un anti-conformisme qui lui a même permis de défendre des œuvres ou des auteurs auxquels son entourage traditionaliste était hostile. Ainsi a-t-il fait obtenir en 1919 le Prix Goncourt à Marcel Proust (pourtant de mère juive et surtout dreyfusard) qui le lisait et restera son ami (il lui dédie « Le côté de Guermantes »), tentera-t-il sans succès de le faire attribuer à Céline pour « Voyage au bout de la nuit », ouvrage alors honni par les patriotes, ainsi écrira-t-il, au grand dam de son clan, un article élogieux sur André Gide, louera-t-il Picasso et confiera-t-il (le comble pour un antisémite) « qu'il n'a pas connu d'idéaliste plus complet que Marcel Schwob ».


Œuvres

  • Le mémorialiste :
    • Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (six volumes) :
      • Fantômes et Vivants, 1914 (période 1880-1890 : Alphonse Daudet,Zola, Hugo, Goncourt)
      • Devant la douleur, 1915 ( études de médecine, maladie de son père)
      • L’Entre-Deux-Guerres, 1915 (période 1890-1904 : "Le Figaro", Barrès,Schwob, Forain et Caran d'Ache)
      • Salons et Journaux, 1917 (le salon de Mme de Loynes, le journal Le Gaulois, le salon de Mme Bulteau, le restaurant Weber)
      • Au temps de Judas, 1920 (l'affaire Dreyfus, la ligue de la Patrie française, l'affaire Syveton)
      • Vers le roi, 1921 (l'Action française, l'Académie Goncourt)
    • Député de Paris, 1933, (période 1920- 1924, « Chambre Bleu horizon »)
    • Paris vécu, 1929-1930 (en deux tomes, Rive droite, Rive gauche), écrit en exil à Bruxelles (souvenirs évoqués, non plus selon un ordre chronologique, mais au fil de promenades)
  • En hommage à la Provence :
    • Notre Provence, (1933), en collaborationt avec Charles Maurras
  • À la mémoire de son père :
    • Alphonse Daudet, 1898 (écrit à la mort de son père)
    • Quand vivait mon père, 1940 (écrit deux ans avant sa propre mort)
  • Le pamphlétaire :
    • Le Nain de Lorraine - Raymond Poincaré, 1930
    • Le Garde des Seaux - Louis Barthou, 1930
    • Le Voyou De Passage - Aristide Briand, 1930
  • Le romancier :
    • Les Morticoles, (1894)
    • Le voyage de Shakespeare, (1896)
    • Suzanne, (1896)
    • Les Deux étreintes, (1901)
    • Le partage de l'enfant (1905)
    • La Mésentente (1911)
    • L’Hérédo, (1916)
    • L'amour est un songe, (1920)
    • L'Entremetteuse, (1922) (paru en octobre, le roman, accusé d’obscénité, soulève les protestations de certains milieux catholiques ; Léon Daudet doit annoncer en novembre sa décision de le « supprimer de son œuvre » )
    • Les Bacchantes, (1931)
  • L'essayiste d'anticipation
    • L'avant-guerre

La bibliographie des œuvres de Léon Daudet est immense : en comptant les différentes éditions d'un même ouvrage, elle comporte plus de 300 notices sur le catalogue de la BNF.


Lien externe


Bibliographie

  • François Broche, Léon Daudet : le dernier imprécateur, Robert Laffont, 1992
  • Francis Bergeron, Léon Daudet, coll. Qui suis-je ?, Éditions Pardès, 2007
  • François Maillot, Léon Daudet, député royaliste, Éd. Albatros, 1991
  • Eric Vatré, Léon Daudet ou le Libre Réactionnaire, Éd. France-Empire, 1987