Drapeau blanc

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L’AFFAIRE DU DRAPEAU BLANC

C’est sous cet intitulé lapidaire qu’est connu le refus du Comte de Chambord d’accepter de monter sur le trône de France que légitimistes et orléanistes, alors d’accord, lui proposaient.

Voici la Proclamation du Comte de Chambord, en date du 5 juillet 1871, explicitant la portée de ce refus. On y verra que si la restauration de la monarchie ne s’est pas faite alors, ce n’était pas fondamentalement pour une seule question de couleur de drapeau

Henri (V) de Bourbon, Comte de Chambord

L'échec d'une restauration

Le 31 août 1871, la loi Rivet donne à l'ancien orléaniste Alphonse Thiers le titre de Président de la République. Cette loi confie donc à l’assemblée parlementaire le pouvoir constituant régissant une République qui n'a de nom que République. En effet, le parlement reste aux mains des monarchistes avec 400 députés élus et les négociations entre orléanistes et légitimistes s'accélèrent en vue d'une fusion qui rendra possible la restauration de la monarchie. Le 8 mai 1871, le comte de Chambord rend publique une lettre dans laquelle il condamne fermement les intrigues politiciennes, replace les événements du moment dans le contexte de l'histoire de France, affirme sa foi en la "France éternelle" et en appelle au rassemblement de tous les monarchistes. Le 8 juin, le Parlement abolit la loi d'exil et un mois plus tard, le Comte de Chambord fait son retour en France.

Il se déclare hostile à toute politique de décentralisation et affirme son opposition au drapeau tricolore. Le manifeste qu'il publie dans le journal "L'Union" est sans appel. Il refuse tout compromis sur le drapeau tricolore trop révolutionnaire à son goût. Surpris par ce manifeste alors que le Comte de Paris a accepté de s'effacer devant Henri V, les légitimistes se divisent et certains réunis au sein d'un collectif rappel leur attachement au drapeau tricolore.

Déclaration du 5 juillet 1871

“ Français, je suis au milieu de vous. Vous m’avez ouvert les portes de la France et je n’ai pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie. Mais je ne veux pas donner, par une présence prolongée, de nouveaux prétexte à l’agitation des esprits, si troublés en ce moment. Je quitte donc ce Chambord que vous m’avez donné, et dont j’ai porté le nom avec fierté, depuis quarante ans sur les chemins de l’exil.

En m’éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me sépare pas de vous. La France sait que je lui appartiens. Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la Nation, ni décliner les devoirs qu’il impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez en ma parole d’honnête homme et de roi. Dieu aidant, nous fondrons ensemble et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garantie à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres , et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du siècle dernier.

Une minorité révoltée contre les voeux du pays en a fait le point de départ d’une période de démoralisation par le mensonge et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la Révolution à une nation qui ne demandait que des réformes, et l’ont dés lors poussée vers l’abîme où hier elle eût péri, sans l’héroïque effort de notre armée. Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes dont le sort a fait l’objet de mes plus vives préoccupations et de mes plus chères études, qui ont le plus souffert dans ce désordre social. Mais la France, cruellement désabusée par des désastres sans exemple, comprendra qu’on ne revient (pas) à la vérité en changeant d’erreur (et) qu’on n’échappe pas par des expédients à des nécessités éternelles. Elle m’appellera et je viendrais à elle tout entier avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A l’occasion de ce drapeau, on a parlé de conditions que je ne dois pas subir. Français!


Carrosse du Comte de Chambord

Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde:le seul sacrifice que je ne puisse lui faire, c’est celui de mon honneur. Je suis et je veux être de mon temps ;je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs, et quelque fut la couleur du drapeau sous lequel marchait nos soldats, j’ai admiré leur héroïsme, et rendu grâce à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait aux trésors des gloires de la France.

Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu, ni arrière-pensée.Non, je ne laisserai pas, parce que l’ignorance ou la crédulité auront parlé de privilèges, d’absolutisme ou d’intolérance, que sais -je encore? de dîme, de droits féodaux, fantômes que la plus audacieuse mauvaise foi essaye de ressusciter à vos yeux, je ne laisserais pas arracher de mes mains l’étendard d’Henri IV, de François Ier et de Jeanne d’Arc.

J’ai reçu le drapeau blanc comme un dépôt sacré du vieux roi, mon aïeul, mourant en exil (Charles X); il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente; il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe. Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l’ordre et la liberté. Français Henri V ne peut abandonner le drapeau de Henri IV.

Chambord, 5 juillet 1871

La fin des espoirs

Les monarchistes continuent pourtant leurs tractations en vue de la restauration en dépit du Comte de Chambord, déjà reparti au bout de 10 jours de présence en France.

Le 8 octobre 1871, le Parlement vote pour que l'ensemble des administrations centrales s'installent à Versailles. Mais une nouvelle fois, le Comte de Chambord va décevoir les royalistes en refusant de mettre par écrit que le trône sera remis après son décès au Comte de Paris. Le 25 janvier 1872, dans un nouveau manifeste il déclare : « Je n'ai pas à justifier la voie que je me suis tracée. [...] Je ne laisserai pas porter atteinte, après l'avoir conservé intact pendant quarante années, au principe monarchique, patrimoine de la France, dernier espoir de sa grandeur et de ses libertés. [...] Je n'arbore pas un nouveau drapeau, je maintiens celui de la France [...]. En dehors du principe national de l'hérédité monarchique sans lequel je ne suis rien, avec lequel je puis tout, où seront nos alliances ? [...] Rien n'ébranlera mes résolutions, rien ne lassera ma patience, et personne, sous aucun prétexte, n'obtiendra de moi que je consente à devenir le roi légitime de la Révolution. »

Il refuse même de cautionner la candidature à la présidence de la République du Duc d'Aumale, fils de Louis- Philippe Ier.

Entre juin et novembre 1873, on s'active toujours a rendre la restauration de la monarchie possible en France. Le 5 août 1873, Philippe VII, comte de Paris se rend à Frohsdorf (lieu d'exil du Comte de Chambord) et lors de sa rencontre avec Henri V, il le reconnaît comme le « seul représentant du principe monarchique où nulle compétition ne s'élèvera dans notre famille.» Même le Pape Pie IX appelle de ses voeux la restauration de la royauté en France. Ce rapprochement entre les deux branches de la dynastie des Bourbons force le parlement a accélérer le vote en faveur de cette restauration. Mais sur la question du drapeau, Henri V demeure intransigeant. La commission parlementaire chargée de valider la restauration de la monarchie se sépare le 31 octobre 1873. Le 9 novembre, Henri V débarque incognito en France et réclame a rencontrer le Président Mac-Mahon. Il espère débarquer au bras du Maréchal et de se faire proclamer Roi au sein de l'enceinte de l'assemblée. 4 jours plus tard, le Président Mac-Mahon lui oppose une fin de non recevoir, estimant que sa position exécutive l'en empêche. Ignorant sa présence, le Parlement vote le 20 novembre la mise en place de septennat. les royalistes ont opté pour une solution de transition. Attendre le décès du Comte de Chambord et la proclamation du Comte de Paris comme souverain.

Avec les nouvelles élections législatives, les monarchistes vont perdre petit à petit leur majorité parlementaire. Le Comte de Chambord repart vers son lieu d'exil.

Des avis différents

Certains avancèrent que c'est en réalité Marie Thérèse de Modène, épouse d'Henri d'Artois, femme timide et au physique ingrat, qui pousse son mari à refuser la couronne car elle ne veut absolument pas devenir reine de France.

Mr le marquis de la Franquerie, dans son ouvrage "Le caractère sacré et divin de la France", avance que Henri d'Artois aurait appris et cru que Louis XVII, son cousin, aurait été subtilisé en prison et, sous le nom de Naundorff, aurait eu des descendants. Cette thèse est infirmée par le témoignage du comte de Chambord lui-même qui, dans son Journal traite Naundorff, comme les autres "faux dauphins", avec un immense mépris.

Reconciliation entre le Comte de Chambord et le Comte de Paris

Le duc de Castries, dans son ouvrage intitulé Le grand refus du Comte de Chambord, s'est montré un des plus critiques envers le Prince, traçant de lui un portrait sans concession et par là sans justice. Qu'il suffise, pour s'en convaincre, de retenir la conclusion de l'académicien : "… par son attitude, le Comte de Chambord a pris, à l'égard de sa patrie, une responsabilité plus grande que toutes celles assumées par ses trente-six prédécesseurs".

Le professeur Stéphane Rials résume fidèlement la situation ainsi créée : " L'attitude du Comte de Chambord, si volontiers tournée en dérision aujourd'hui, était d'une absolue logique au regard des principes qu'il a incarné. Ce qu'il rejetait dans le drapeau tricolore, c'était la souveraineté nationale, le libéralisme, le parlementarisme et peut-être, au-delà, tout un pan de la sensibilité moderne rationaliste et anthropocentrique. Ce qu'il voulait défendre, avec le drapeau blanc, c'était une certaine idée de la monarchie paternelle et chrétienne, tempérée par l'amour et la religion plus que par tel mécanisme constitutionnel abstrait."

L'historien Philippe Delorme dans ses "carnets inédits de Henri Comte de Chambord " nous montre un prince de France hostile au régime parlementaire, en particulier à l'Assemblée qui s'apprêtait pourtant à le couronner. De plus en plus rigide, peu politique et tactique, surtout soucieux de ne pas se laisser influencer par les orléanistes.

Le Site Vive le roy nous indique son analyse suivante : Beaucoup de royalistes, de nos jours encore, déplorent l’attitude du Prince, qu’ils estiment peu réaliste. Le Pape lui-même n’avait pas compris que l’on puisse refuser le trône « pour une serviette blanche », qui allait devenir le romantique linceul de la monarchie bourbonienne (...) . Contrairement à ce que l’on répète à satiété, l’affaire du drapeau blanc n’a pas été provoquée par le Comte de Chambord ; elle lui a été opposée comme un piège déloyal, et en des termes qu’il ne pouvait pas accepter. Le drapeau tricolore, présenté par le duc d’Aumale, en pleine assemblée, comme « drapeau chéri, résumé des principes de 1789 », était évidemment impensable pour Henri V. C’était le drapeau de la Révolution, de l’échafaud de Louis XVI, de l’usurpation louis-philipparde. On objectera à bon droit que la royauté d’Ancien Régime n’avait pas de véritable drapeau officiel ; qu’elle avait connu diverses couleurs, du rouge au blanc, auxquelles certaines traditions pouvaient se rattacher ; que le blanc était aussi moderne que le tricolore, mais en tant que drapeau de la Restauration. On fera valoir encore que ce symbolisme du drapeau, marqué au coin de l’éducation romantique du Duc de Bordeaux, était peut-être maladroit, inadéquat, en porte-à-faux dans la mesure où il paraissait faire du Prince un incorrigible passéiste alors qu’il faisait peur par tout autre chose. Un fait est sûr : la querelle du drapeau ne venait pas de lui, qui eût accepté, avouait-il, une « bannière chocolat » le cas échéant ; si tort il y a, ce fut, pour Henri, de suivre ses compétiteurs sur ce terrain piégé : car en acceptant le tricolore, il devenait l’otage d’une faction, et,en le refusant, il se mettait hors jeu au profit des Orléans. La couleur du drapeau masquait l’option sur les principes.« Ma personne n’est rien, mon principe est tout », affirmait le Prince, peu désireux d’inaugurer un règne « réparateur et fort » par un acte de faiblesse.

À l’opposé, le régime républicain servait les intérêts des princes d’Orléans et de leur clientèle conservatrice : « Si la République n’existait pas, il faudrait l’inventer dans l’intérêt des princes d’Orléans », écrivait M. de Montalivet qui expliquait encore, en clair, au Comte de Paris alors en exil à Londres, au début de 1871, qu’il servirait de dénouement au dernier acte d’une pièce à peine commencée.

Lien externe

  • [1] : Vive le roy, site légitimiste

Bibliographie

  • Journal (1846-1883). Carnets inédits de Henri comte de Chambord texte établi par Philippe Delorme F.-X. de Guibert.


Liens externes

  • [2] : Naissance de la IIIième République.
  • [3]: Discours du Comte de Chambord
  • [4]: Fiche wikipedia sur Henri V de Bourbon
  • [5]: Reportage radiophonique sur le Comte de Chambord.
  • [6] : Vive le roy, site légitimiste