Nouvelle Action française (mouvement)

De SYLMpedia
Aller à la navigationAller à la recherche

La Nouvelle Action française (NAF) était un mouvement politique français, fondé en 1971, désireux d'instaurer en France une monarchie constitutionnelle incarnée par Henri VI d'Orléans (1908-1999), « comte de Paris ». Elle s'est transformée en Nouvelle action royaliste en 1978.


Les raisons

La Nouvelle Action française naît d'une volonté de renouveler certaines références du mouvement maurrassien de la Restauration nationale, et de renouer avec le passé "révolutionnaire" et contestataire de certaines franges d'Action française d'avant 1914. C'est pour cela qu'il est abusif de qualifier cette scission de "gauchiste". La présence au demeurant, dans les rangs initiaux de la NAF, de personnalités royalistes telles que Jean Toublanc, Yves Lemaignen ou Georges-Paul Wagner infirme largement cette thèse d'une scission "gauchisante", au moins à l'origine.

Les 29 et 30 octobre 1971 au Centre Dauphine à Paris, 1er Congrès royaliste universitaire organisé par la NAF

Naissance de la NAF

Dans l'effervescence activiste et d'extrême politisation qui accompagne et suit les événements de Mai 68, le mouvement Restauration nationale connaît alors un afflux militant particulièrement spectaculaire. Cette arrivée massive de militants nouveaux, dans une ambiance de remise en question générale des références des uns et des autres, conduit notamment certains responsables étudiants à s'interroger sur la mise à plat de l'histoire du mouvement maurrassien, en particulier sur ses positions pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cette nouvelle querelle des "anciens et des nouveaux" est évidemment génératrice de grandes tensions internes.

Désigné comme candidat royaliste aux élections présidentielles en 1969, Me Georges-Paul Wagner décide au dernier moment se retirer pour une cause inconnue. Interrogé sur cette affaire, le secrétaire général de la Restauration Nationale, Pierre Juhel, donna alors des raisons différentes et inconciliables à plusieurs militants qui, après s’être concertés, constatèrent que le secrétaire général leur avait menti.

Ils décidèrent alors de proposer des réformes internes du mouvement et du journal. Ces propositions ne furent pas entendues. Vers la fin de l’année 1970, le trouble qu’on avait cru superficiel, s’aggrava brusquement découvrant un profond malaise au sein même de la Restauration nationale.

En mars 1971, les dissensions éclatent au grand jour entre partisans traditionnels et modernistes avec la parution, dans le numéro 163 d’AF Université (AFU) de mars 1971, d’une « Lettre ouverte à Richard Deshayes », écrite par Gérard Leclerc, alors adjoint de Pierre Pujo.

Richard Deshayes, militant gauchiste de vingt ans, blessé aux yeux par une grenade projetée en tir direct par les brigades spéciales d’intervention dans une manifestation, condamne violemment les forces de l’ordre et appelle à la « Révolution anarchiste, fondée sur l’Amitié et la Fraternité ». Dans son article « Lettre ouverte à Richard Deshayes », Gérard Leclerc critique fermement l’attitude de Richard Deshayes qui appelle à la révolte les jeunes de 15 à 25 ans pour trouver la « Liberté ». 11 affirme que le danger révolutionnaire ne sera écarté qu’après avoir établi « un ordre structural adapté aux besoins permanents et vitaux du corps social et de l’économie moderne », ce que, seule, la Monarchie peut faire.Par contre, toute anarchie destructive conduit au nihilisme et au totalitarisme, et les jeunes révoltés comme Richard ne sont en fin de compte que des produits, des jouets de la société de consommation, qui les pousse à se vautrer dans la « chiennerie » dans laquelle ils veulent se vautrer.

Cependant, Gérard Leclerc adhère totalement à l’idée de « réaction contre le désordre établi », et affirme que le seul moyen d’arriver à la fraternité pour la contestation est de tourner le dos à ce « royaume d’Absurdie », qui n’a pas les moyens de ses fins et de suivre la « voie royale de l’Amitié fondée sur l’ordre naturel et vital aux sociétés humaines. » Cet article valut à G. Leclerc d’être l’objet de très nombreuses accusations de « déviations doctrinales » et de « gauchisme », auxquelles il répondit dans « Suis-je gauchiste ? », article paru en mai 1971 dans le numéro 165 d’« A.F.U. »(Action française université). La rupture allait bientôt être définitive entre les deux courants politiques coexistants de l’Action française et qui voit la naissance de la Nouvelle action française.

A la tête de la NAF on trouvera notamment Yvan Aumont, Nicolas Kayanakis, Gérard Leclerc, Yves Lemaignen, Bertrand Renouvin, Jean Toublanc et Georges-Paul Wagner.

Les scissionnistes emportaient avec eux deux publications dont ils avaient la propriété : AF Université (AFU) et les Dossiers d'Action française (DAF). Mais la NAF va se doter d'autres journaux et revues comme l'hebdomadaire éponyme La Nouvelle Action française (1971) qui deviendra NAF hebdo en 1975, la revue mensuelle Arsenal (1972), la revue trimestrielle Lys rouge.

En mai 1971 dans le numéro 165 d’« A.F.U. ». paraît un article retentissant : « Vers un MAI royaliste », article polémique de B. Renouvin, dans lequel il condamne violemment la démocratie et la république qui se montrent « incapables de résoudre le malaise français ». Mais il affirme que les révolutions « style 1789 » sont dépassées et n’amènent que le totalitarisme. Cet article valut également à Bertrand Renouvin le qualificatif de « gauchiste ». « L’accusation de gauchisme, thème essentiel de la campagne d’« Aspects de France » (Journal de l’Action française) s’appuie sur quelques articles parus dans « A.F.U. » depuis janvier, entre autre « Un Mai royaliste » de Bertrand Renouvin, article sur la C.F.D.T. de Philippe Dartois, et la « lettre à Richard Deshayes » de Gérard Leclerc.

Cette accusation ne repose sur aucun fondement nous annonce sur son site la Nouvelle action royaliste : « Cette critique contient l’idée sous-jacente de « conflit de générations », doublée d’une opposition entre Paris et la Province. La crise serait donc le fait de gamins irresponsables pervertis par l’esprit de mai 1968 ? L’ex N.A.F. comprenait alors en effet un nombre important d’étudiants : ceux-ci, qui étaient au cœur de l’action, ont compris les raisons de la rupture et ont rejoint nos rangs. De très nombreux cadres adultes de la France entière occupant des postes importants au sein de la Restauration Nationale avaient rejoint les rangs du nouveau mouvement »

La campagne présidentielle de 1974

Cette même année voit le lancement d'un hebdomadaire éponyme : Nouvelle Action française. Une campagne vigoureuse est alors menée contre le groupe Nouvelle École (GRECE) (Nouvelle droite) puis en 1972, la N.A.F. fait campagne contre l’Europe supranationale.

Le jeune mouvement avait entraîné avec lui des militants aux aspirations très diverses. Aussi, dès 1972, la NAF enregistre ses premières tensions internes. Ce fut d'abord le départ d'un certain nombre de lycéens regroupés autour de Francis Bertin et de son Union lycéenne d'action corporative (UNLAC), reprochant à la direction d'avoir recruté et donné des responsabilités à Nicolas Kayanakis, ancien de l'OAS. Puis ce fut en 1973 le départ de quelques responsables "historiques", membres du Comité directeur (Kayanakis, Toublanc, Wagner) qui n'acceptaient pas les références à De Gaulle dans les colonnes du journal.

L’élection présidentielle de 1974

Lorsque l’annonce du décès du Président Georges Pompidou, le 2 avril 1974, le Comité directeur de la Nouvelle action royaliste se réunit et décide rapidement de saisir cette opportunité pour entrer dans le jeu électoral républicain. Bertrand Renouvin est vite désigné candidat de la NAR mais se pose la question de la position du Comte de Paris face à cette candidature royaliste pour laquelle il s’était toujours dit opposée. Enfin la référence de la NAF à l’Action française pouvait être également un frein à l’acceptation de cette candidature par le prétendant.

Bertrand Renouvin 1974

La NAF, qui a peu de relations avec Henri VI d’Orléans, décide de lui écrire le 4 avril et obtient un crédit de facto du prétendant bien qu’il y met de fortes conditions et l’éventualité d’un désaveu public et refusant néanmoins de rencontrer les leaders de la NAR.

Le 17 avril 1974, dans une simple manchette, la Figaro annonce la candidature de Bertrand Renouvin avant 2 jours plus tard de prononcer sa première allocution à l’ORTF. Dans sa profession de foi, le candidat déclare : "A l’heure où les ambitions partisanes s’opposent à tout sentiment de la nation et à tout souci du bien public, je présente ma candidature à la Présidence. Je poserai le problème de l’État à la lumière de la crise institutionnelle qui le menace dans sa continuité, dans sa stabilité et dans son indépendance. Il faut sortir de cette situation qui conduit les Français à redouter leur avenir en détestant leur présent. Simple citoyen, je me présente à titre strictement personnel, sans étiquette aucune, en dehors de toute référence à une personne, à un groupe ou à une idéologie. J’entends exprimer le souci commun à tous les Français de restaurer l’État et de défendre l’avenir des peuples de France, dans leurs libertés reconquises…(..)".

Profession de Foi du candidat à la présidentielle de 1974

Si les 100 signatures sont obtenues (contre 500 aujourd'hui en 2014), la NAR fait face à quelques difficultés lors de la campagne. L’opération liée à «  la profession de foi » est mitigée. Problème d’acheminement du papier pour l’impression (un tiers des préfectures ne furent pas approvisionnées en temps voulu). Certains militants sont déçus par le manque de campagne musclée pas assez royaliste à leur goût. D’ailleurs, le candidat ne s’affiche pas comme royaliste afin de favoriser toutes les ouvertures possibles.

Lors de cette élection, le Monde du 29 avril 1974 écrit : "La N.A.F. était surtout un rendez-vous de royalistes contemporains, ayant senti le souffle de Mai 1968, ayant brisé là avec le traditionalisme formel de leurs aînés, et décidés de dégager leur famille politique du voisinage gênant de l’extrême-droite, de ses mauvais souvenirs, et de ses excès…" tout en précisant : « Malgré tout, défendre des thèses monarchiques, croire au retour du Roi et œuvrer à la Restauration n’est pas chose facile en 1974, d’autant plus que l’héritier… garde un silence lointain… ». Une campagne aussi marquée par l’animosité de l’Action française à son encontre.

Si Bertrand Renouvin reçoit le soutien de l’Union royaliste de Provence, la Restauration nationale décide de soutenir la candidature du maire de Tours, Jean Royer. Le résultat est décevant ( 43 700 voix soit 0.17%) et il se place 10 ième sur 12 candidats au 1er tour de cette élection présidentielle du 5 mai 1974. Au second tour, Betrand Renouvin appelle les militants de la Nouvelle action française à s’abstenir ou de ne pas voter pour le candidat de droite, Valéry Giscard D’Estaing.

Les faibles résultats provoquent une nouvelle crise au sein du mouvement royaliste, entraînant le départ de responsables et d'adhérents qui créent le COPCOR.

Un mouvement royaliste engagé politiquement

Entre 1974 et 1981, La NAF se positionnera dans l’opposition à la présidence de Valéry Giscard d’Estaing..

En août 1974, le tournant à gauche de la ligne politique de la NAF commence à provoquer une autre crise interne et voit le départ de l’Union royaliste de Touraine et de la section de Grenoble de ses rangs qui aboutit à la création du Mouvement Royaliste Français.

En 1975, publication de « Le comte de Paris ou la passion du présent », de Philippe Vimeux, qui fait redécouvrir à la N.A.F. la profondeur de la pensée du Prétendant. Premier grand rassemblement : les « Journées royalistes » à Rueil. Campagne pour l’intégration des Français musulmans qui fait du mouvement royaliste une cible de l'extrême-droite. En 1976, en moins d’un an, la N.A.F. voit ses locaux attaqués par un commando d’extrême-droite, puis est victime d’un attentat à la bombe, alors que son imprimerie est détruite par un incendie criminel.

Bertrand Renouvin à FR3 en 1975

En mars 1977, la N.A.F participe aux élections municipales, cette fois-ci en tant que mouvement royaliste (le comte de Paris n’étant pas intervenu). Une tentative d’alliance avec d’autres petits mouvements échoue. Le mouvement royaliste présente une liste dans dix arrondissements de Paris (0.2% des voix) et une à Nice. Les résultats n’étant pas à la hauteur des attentes, la NAF a néanmoins des élus isolés sur des listes de gauche comme Régine Denis-Judicis, élue sur une liste d’union de la gauche à Épinal. Lors de cette campagne, la NAR a du mal à se défaire de l’image d’extrême-droite que la presse affuble à tous les mouvements royalistes. Le journal « N.A.F. » devient « Royaliste » et est désormais diffusé dans les kiosques.

Le 12 mars 1978, 8 candidats de la NAF (Stéphane Monet, Bertrand Renouvin, Nicolas Lucas, Gérard Leclerc, Régine Denis-Judicis, Philippe Cailleux, Michel Giraud et Patrick Simon) se présentent aux élections législatives en tant que mouvement monarchiste Elle présenta un certain nombre de candidats, à Lille, à Rouen, à Angers, Nancy, Nantes, Nice, Versailles et Lyon, dans le but principal de donner une dimension politique aux responsables royalistes locaux. Son score fut faible (entre 0,5 et 0,8 %), mais le succès électoral n’était pas le but visé. Le véritable but de la N.A.F. était de devenir une des composantes du paysage politique français. Lors d’une élection partielle à Nancy, la N.A.F appelle à voter pour le candidat socialiste et contribue à la défaite de son adversaire.

Fin de la Nouvelle action française

Couverture de la Nouvelle action française

Enfin, en octobre 1978, avalisant un processus déjà entamé depuis longtemps, les dirigeants de la NAF abandonnent officiellement et symboliquement toutes références à la pensée maurrassienne et à l'Action française, la Nouvelle Action française devenant la Nouvelle Action royaliste. Le journal NAF hebdo avait déjà anticipé cette évolution dès 1977 en devenant Royaliste.

Impact

Malgré sa courte histoire, la Nouvelle Action française a représenté une tentative sérieuse, construite et intelligente de faire sortir le royalisme d'Action française de l'ornière "historique" dans laquelle il semblait s'être enlisé. L'un des drames de la NAF étant que les aspirations de ses dirigeants étaient peut-être trop éloignées des attentes d'une partie importante de sa base militante.

La NAF ou comment brouiller les idées reçues...
La NAF ou comment brouiller les idées reçues...

Parmi cette volonté revendiquée de "casser les codes", il est bon de signaler le meeting commun que tiendra la NAF en mars 1975, sur le thème "France-Tiers monde: solidarité", aux côté des gaulliste de l'UJP et des maoïstes du PCMLF-L'Humanité Rouge !... Initiative qui vaudra aux militants de la NAF l'épithète durable de "mao-rassiens"...

Sources

  • Olivier Lespès, Une révolution dans le royalisme, la Nouvelle Action royaliste, ses origines, son histoire, Royaliste, coll. « Lys rouge », Paris, 1984.
  • François Backman, La conception de la citoyenneté de la Nouvelle Action française puis Nouvelle Action royaliste. Naissance d'un mouvement, gestion et évacuation des paradigmes maurrassiens (1971-1991), Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (Diplôme d'Études approfondies de Sociologie Politique), Paris, 1991.

Liens internes

Liens externes

  • [1] : Site d'archives de la Nouvelle action royaliste
  • [2] : Clip de Campagne (You tube) de Bertrand Renouvin ( 1974)
  • [3] : Reportage TV (You Tube) sur la liste royaliste dans le Maine